Droit de préférence du preneur commerçant : exclusion des locaux industriels (source FNAIM)
Voilà un arrêt par la Cour de cassation qui présente un double intérêt : celui de parfaire nos connaissances sur le champ d’application du droit de préférence et surtout de nous donner pour la première fois une définition du « local à usage industriel ».
On note que cet arrêt de rejet sera publié au Bulletin, ce qui justifie son importance !
On sait que par définition, les locaux à usage industriel sont exclus du champ d'application de l'article L. 145-46-1 du code de commerce.
Cette exclusion ressort de la lettre de l’article L. 145-46-1 du code de commerce.
Alors que le champ du statut des baux commerciaux (C. com., art. L. 145-1) englobe les baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité, que ce fonds appartienne à un commerçant ou à un industriel, l’article L. 145-46-1 du code de commerce se veut plus restrictif, puisqu’il ne vise que le « local à usage commercial ou artisanal », cette limite à l’exercice du droit de propriété devant être strictement interprétée (Rép. min. n° 21115 : JO Sénat Q, 25 févr. 2021, p. 1261, mentionnée au rapport de l’arrêt, p. 7).
Dans les faits, une société locataire avait signé un bail commercial devant "servir exclusivement à l’usage suivant : entreprise générale de bâtiment et travaux publics et fabrication d’agglomérés".
Cependant, on relève que l’objet de cette société défini dans ses statuts est : "la fabrication, l’achat, la vente, l’importation, l’exportation de tous produits et matériaux de construction pour le bâtiment, ou les travaux publics, notamment en béton précontraint ou non".
En réalité, le chiffre d’affaires de la société est réalisé en grande partie par son activité de négoce.
Ayant vendu son immeuble, la société locataire assigne son bailleur en annulation de la vente et en indemnisation considérant que celui-ci aurait dû purger le doit de préférence à son profit, avant de vendre les locaux à un tiers.
La société est déboutée en première instance (TJ Orléans, 10 juin 2020, n° 17/02109), mais aussi en appel (CA Orléans, 10 mars 2022, n° 20/01235), au motif que le droit de préférence ne s’applique pas aux locaux abritant "une activité essentiellement industrielle permettant de qualifier l’usage des locaux qu’elle loue d’industriel ».
La société se pourvoit en cassation :
A titre principal, elle conteste la qualification "d’activité industrielle" retenue par les juridictions du fond pour désigner l’activité exercée dans les lieux loués, alors qu’une activité de négoce s’y déroulait pour partie.
De plus, la société locataire affirme « qu’une activité commerciale, même partielle, suffit pour bénéficier du droit de préemption prévu par l’article L. 145-46-1 du code de commerce, ce texte ne faisant aucune référence à un usage exclusivement commercial".
Encore une fois, l’argumentation du locataire ne convainc pas les Hauts magistrats.
La Cour de cassation rend un arrêt de rejet au motif que le droit de préférence du locataire ne vaut que pour autant que les locaux loués sont à usage commercial (ou artisanal).
Or, en l’occurrence, selon la définition retenue par les Hauts magistrats, l’activité exercée dans les lieux doit être qualifiée "d’industrielle".
Reste à savoir ce que la Haute cour considère comme « locaux industriels »…
C’est tout l’intérêt de l’arrêt rendu le 29 juin 2023 qui nous donne une définition !
Dans un premier temps, la cour d’appel se réfère à la définition que donne le dictionnaire Larousse de la notion de "local à usage industriel" : sont industriels les locaux affectés à "la production de biens matériels par la transformation et la mise en œuvre de matières premières.
La Haute cour opte pour une autre définition, et préfère celle du Conseil d’Etat en matière fiscale (CE, 28 févr. 2007, n° 283441 ; CE, 13 juin 2006, n° 380490 ; CE, 3 juill. 2015, n° 369851), précisant que les critères dégagés en cette matière par les juges du Palais-Royal "sont opérants, au regard de l’objet de l’article L. 145-46-1 du code de commerce".
Ainsi, pour la Cour de cassation, au sens de ce texte, "doit être considéré comme à usage industriel tout local principalement affecté à l’exercice d’une activité qui concourt directement à la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers et pour laquelle le rôle des installations techniques, matérielles et outillages mis en œuvre est prépondérant".
Elle juge que cette définition cadre avec l’activité de la société puisque les locaux loués sont notamment destinés à un usage de fabrication d’agglomérés, tandis que l’extrait du RCS de la locataire mentionne les activités de "préfabrication de tous éléments de construction à base de terre cuite plancher murs et autres" ainsi que de "fabrication de hourdis, blocs et pavés béton".
Accessoire, l’activité de négoce ne pouvait rendre l’article L. 145-46-1 applicable.
La messe est dite !
Mais tout n’est pas totalement clair pour autant ….
A suivre…
En résumé
Au sens de l’article L 145- 46-1 du code de commerce, doit être considéré comme à usage industriel tout local principalement affecté à l'exercice d'une activité qui concourt directement à la fabrication ou à la transformation de biens corporels mobiliers et pour laquelle le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre est prépondérant.